Des pionniers dans la rebellion chez les médecins

Publié le par Boule de neige

 

 Chapeau à ces deux ophtalmo qui ont su prendre le risque de se déconventionner...

 

 

 

 

Le Quotidien du Médecin du : 25/04/2007

 

Déconventionnement volontaire 24/03/2010:

 Deux ophtalmologistes normands se sont déconventionnés



Sanctionnés à deux reprises par les caisses de l'Orne pour des dépassements d'honoraires jugés abusifs, les deux seuls ophtalmologistes de l'Aigle (Orne) ont finalement choisi d'exercer en dehors de la convention dans une zone déjà atteinte par la désertification médicale.

«BONJOUR, nous tenons à vous informer que, malheureusement, aucun accord n'a été trouvé avec la caisse primaire d'assurance-maladie. En conséquence, le DrRatier sera obligé de travailler hors convention à partir du 28mars.» Avertis depuis plusieurs semaines par le message d'attente téléphonique du cabinet du Dr Christophe Ratier, les patients de cet ophtalmologiste de l'Aigle (Orne) sont maintenant remboursés par la Sécu sur la base du « tarif d'autorité ». La patientèle de l'autre ophtalmologiste de l'Aigle, le Dr Edouard Meimarakis, est logée à la même enseigne.

Désormais, chaque consultation en ophtalmologie dispensée dans cette petite ville normande de 10 000 habitants relève du secteur III et n'est donc plus remboursée par les caisses d'assurance-maladie qu'à hauteur de 0,60 euros ou 0,85 euros au maximum pour les patients en ALD. Une situation bien sûr dommageable à l'accès aux soins, comme le déplore un médecin généraliste de l'Aigle joint par « le Quotidien ». «L'Orne est déjà un département sinistré en offre de soins, compte tenu de sa faible densité médicale, rappelle le Dr Hubert Beauchef. Si les gens veulent aller voir un autre ophtalmologiste, ils doivent se rendre à Verneuil-sur-Avre, situé à 25km (où les délais de rendez-vous sont de trois à six mois), ou bien faire au minimum 60km jusqu'à Evreux, Alençon ou Lisieux pour consulter d'autres ophtalmologistes surbookés.» Les deux ophtalmos de l'Aigle ont eux-mêmes choisi de se déconventionner à l'issue d'un bras de fer avec l'assurance-maladie. Pour autant, le Dr Beauchef ne leur jette pas la pierre car ces spécialistes «ont toujours fait des consultations longues et ne font pas marcher la machine à sous».

Rebondissements. Comment en est-on arrivé là ? La fronde tarifaire de ces deux ophtalmologistes de l'Aigle remonte en fait à 2003. Faisant partie des 2 000 membres de l'Association pour l'ouverture du secteur II (Apos2), les Drs Meimarakis et Ratier ont commencé à multiplier les dépassements d'honoraires pour protester contre le long gel des tarifs des spécialistes de secteur I, soumis alors au règlement conventionnel minimal (RCM de 1998). Leurs dépassements répondaient, selon eux, à la nécessité d'équiper leur cabinet d'un matériel moderne et performant.

En novembre 2003, le tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass) d'Alençon offre un passeport pour le secteur II aux deux ophtalmos aiglons (et à deux autres confrères), au motif que le RCM ne prévoyait pas expressément le caractère irrévocable de l'adhésion à un secteur d'exercice au moment de l'installation. Cependant, la Cpam de l'Orne, qui s'opposait à leur passage en secteur à honoraires libres, a eu finalement gain de cause dans un arrêt de la cour d'appel de Caen, confirmé par la Cour de cassation en janvier 2007.

Pendant la durée de la procédure judiciaire, les deux praticiens ont poursuivi «leur pratique de dépassements d'honoraires inconsidérés», facturant leurs consultations «de 40 à 45euros» pour «à peu près de 80 à 90% de leurs actes», souligne Anne-Frédérique Sims-Lagadec, directrice de la Cpam de l'Orne. Au point que les caisses locales des trois régimes d'assurance-maladie en sont venues aux sanctions. Les deux praticiens ont d'abord eu une pénalité financière de 15 000 euros liée à la suspension de la prise en charge des cotisations sociales pendant un an en 2005, puis ils ont été déconventionnés pendant un mois du 15 janvier au 15 février 2007. «Nous ne les avons pas déconventionnés longtemps car, à l'assurance-maladie, nous sommes chargés de garantir l'accès aux soins», explique la responsable de la Cpam. Cette sanction ultime est «très rare, exceptionnelle: c'était la première fois et j'espère la dernière», poursuit Anne-Frédérique Sims-Lagadec.

Six semaines après cet épisode, les Drs Ratier et Meimarakis ont décidé de se déconventionner de leur propre chef pour une durée indéterminée, créant «une situation navrante», selon la directrice de la Cpam d'Alençon. Contactés par « le Quotidien », les intéressés veulent plutôt se faire oublier. Le Dr Meimarakis refuse de répondre aux questions des journalistes «pour ne pas polémiquer», tandis que le Dr Ratier «préfère rester discret» dans la mesure où «les choses s'arrangent mieux quand on en parle peu».

> AGNÈS BOURGUIGNON

Le Quotidien du Médecin du : 25/04/2007

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